Placer un cycle de pliométrie dans la préparation des athlètes est, pour l’entraîneur, un pari audacieux et risqué. C’est en effet un type de renforcement spécifique très efficace mais malheureusement traumatisant. Il est donc à utiliser avec discernement.
Ce renforcement est spécifique car en athlétisme et dans beaucoup de sports se pratiquant sur terrains fermes, la bio mécanique musculaire est soumise au cycle étirement renvoi. A cette occasion, l’activité électrique du muscle est extrêmement élevée, bien plus que lors d’un exercice départ arrêté. Pour vous donner une idée, sachez qu’en courant à une allure de footing, chaque appui génère une tension égale à 3,5 fois le poids du corps. Nous serions bien en peine pour soulever une telle charge avec nos deux jambes sous une presse ou une barre de musculation. Alors comment cela est-il possible ? Sans entrer dans les détails et pour faire simple, on pourrait dire que la fibre musculaire contient des structures élastiques sollicitées dans la dynamique du mouvement. Celles-ci peuvent être développées par l’entraînement. Pour l’athlétisme, c’est toujours important, du demi-fond au sprint en passant par les concours. Vous aurez aussi deviné que plus la vitesse est élevée, plus la tension sur l’appui est importante. Ainsi c’est presque 10 fois le poids du corps qu’il faut supporter chez les meilleurs triple-sauteurs.
Mais si cette forme de travail est efficace, elle peut aussi se révéler traumatisante, particulièrement sur des corps insuffisamment préparés à encaisser les contraintes de ce type d’exercices. Les structures osseuses, articulaires et musculaires sont ici particulièrement mises à contribution. Alors comment trouver l’équilibre qui permettra à l’athlète de récolter à moyen terme le fruit de son investissement sans hypothéquer pour autant sa pratique à court et à long terme ?
Sans prétendre détenir une quelconque vérité, voici au fil du temps, les choix et les règles qui m’inspirent dans ma conduite de l’entraînement.
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Il existe plusieurs intensités de pliométrie puisque courir comporte déjà des sollicitations de ce type au niveau des appuis. Par conséquent, de façon quasi systématique, mes échauffements comportent toujours un travail destiné à améliorer la qualité des appuis.
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Lorsque je vois des athlètes avec les pieds pronateurs (pied qui tourne vers l’intérieur) je les invite à consulter un podologue pour corriger ce problème et je leur conseille de choisir des trainings avec des semelles plutôt dures. Ce défaut peut en effet devenir rapidement pathogène.
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Je n’attaque pas le cycle de pliométrie avant mi-octobre, période encore éloignée des compétions importantes mais période où en principe, les athlètes en sont déjà à 6 semaines d’un entraînement dont les caractéristiques vous ont été données dans un post précédent.
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Je fais faire régulièrement du gainage dynamique afin que les athlètes apprennent à placer leur bassin et renforcent les muscles stabilisant la colonne vertébrale.
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La charge de travail lors du cycle de pliométrie augmente très progressivement. Les premières séances comportent 200 à 250 bondissements divers et cumulés. Cette quantité pourra doubler pour les plus anciens en fin de cycle après 8 à 9 semaines.
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J’essaie d’être le plus exigeant possible sur le placement du dos, la pose des appuis, sur le placement plus généralement, quitte à diminuer la hauteur des bonds pour certains.
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Les enchainements de bonds en fin de cycle prennent un caractère de plus en plus spécifique dans la forme et la durée des exercices. (stato dynamique puis extenseurs puis foulées bondissantes puis foulées tractées à l’instar de l’enchaînement des exigences d’un sprint.)
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Lorsque certains athlètes se plaignent de périostites aigües, je limite le travail au niveau des extenseurs de la cheville pour focaliser le renforcement au niveau des cuisses et des fessiers.
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Dans ce travail de pliométrie, je m’intéresse autant aux extenseurs (mollets, quadriceps, fessiers) qu’aux fléchisseurs (ischios-jambiers)
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Je programme ce type d’entraînement le jeudi. Si 48h après, les athlètes se plaignent de courbatures, je ne propose pas d’exercice de vitesse mais plutôt un travail énergétique (puissance aérobie évoluant vers de la capacité lactique).
Fin décembre, le cycle se termine, les athlètes ont besoin de récupérer et de réparer les structures musculo-tendineuses mises à mal. Les effets de ce travail ne seront pas immédiats mais, que ce soit dans l’œil de l’entraîneur ou (et) les sensations des athlètes, des choses vont changer au cours du printemps. C’est le chrono qui validera ensuite la pertinence de cet investissement.
Thierry